Massif du Makay – jour 8

7 juin 2024 Non Par Tophe

8ième jour

Je me suis endormi aussitôt dans mon duvet hier soir, la journée avait été trop fatigante. Ce matin, je ressens quelques douleurs aux jambes en me levant. Dès 6h30, j’étais debout, tout le monde dort encore, je vais voir Jeerika avec ma cafetière pour me faire chauffer un café. Direction la rivière pour aller laver ma chemise ou plutôt la rincer dans l’eau afin d’enlever les traces de terre dessus, elle restera marquée jusqu’à la fin du séjour. Les premiers rayons du soleil la sécheront avant de partir.

D’après Francis, l’étape du jour sera plus reposante, environ 12 kilomètres. Le problème ne semble pas être le nombre de kilomètres sur ce trek mais bien le terrain. Ce n’est pas le dénivelé qui pose des difficultés, c’est la nature du sol sur lequel nous marchons, la marche dans l’eau, dans le sable ou dans la savane sont plus difficiles et ne permet pas de garder un bon rythme. En même temps, c’est ce qui fait tout l’intérêt de ce trek, randonner dans des espaces vierges, dans des endroits magnifiques.

Je ne regrette pas notre journée d’hier, maintenant que je l’ai vécu. Elle fut dure, éprouvante, est-ce que je renouvellerai ce type d’expérience je ne sais pas encore ?

Nous partons vers 9 heure, tout le monde a un rythme lent ce matin ! Je remets mes vêtements encore humides, ils sècheront sur moi.  Les pieds dans l’eau, nous marcherons juste dix minutes dans la rivière ce matin. Nous remontons sur la berge afin d’atteindre le haut d’une colline. Nous commençons à grimper et nous nous retrouvons vite bloqué par la végétation. Impossible de faire une trouée, les arbres sont trop denses. Francis essaye d’ouvrir un chemin avec sa machette, à ce rythme il faudra des heures pour se frayer une voie.  Nous redescendons sur la berge de la rivière, allons un peu plus loin et attendons l’équipe de porteurs. Ils sont de la région, ils connaissent bien les passages pour parcourir les collines. A peine, nous ont-ils rejoint qu’ils gravissent la colline avec la machette et leurs famaky (petite hachette) pour ouvrir une route. Ils sont habitués et ils tracent le chemin tout droit sur la colline, au milieu d’une savane et sur cette roche sableuse et friable. Jeerika emprunte ma pelle pliante pour nous creuser des marches dans la partie la plus pentue. Nous les suivons, ils grimpent sans difficulté face à la pente avec la charge sur le dos. Je redoutais la montée qui pourrait s’avérer éprouvante, pourtant je la franchi sans encombre. Les marches des jours précédents m’ont permis d’acquérir une bonne condition physique. Je suis devant avec deux porteurs, lorsque je me retourne je vois cette cohorte monter à la verticale.

Les porteurs vont nous accompagner jusqu’en haut de la colline, puis après une pause, ils partent à l’opposé de notre route. Nous restons sur les hauteurs du massif et allons marcher toute la matinée sur les crêtes. Depuis plusieurs jours, nous avons marché dans les canyons, aujourd’hui le fait d’être sur les hauteurs du massif, m’offre la possibilité de voir l’horizon à perte de vue, je respire.

Je peux observer au loin la route par où nous allons passer pour arriver au bivouac de ce soir. Le paysage est sec, les herbes mi-vertes mi-jaunes colorent les collines et les talwegs, au creux de ceux-ci une masse verdoyante d’arbres. Au loin, les lits de rivières, ces méandres blancs qui coulent au milieu de la végétation.  Tout au fond, des montagnes dentelées forment et  encerclent ce massif.

Nous marchons dans les herbes et le vent apporte un peu d’air, le soleil est déjà chaud. En fin de matinée, nous redescendons, nous entrons dans une forêt et arrivons sur la rivière Bekinana. L’eau coule doucement et je remarque une succession de bassins, de vraies piscines d’un mètre cinquante de profondeur et long de 5 à 15 mètres. En haut d’un bassin, nous retrouvons nos porteurs, ils préparent le feu pour faire cuire le riz.  Je ne résiste pas à la tentation d’aller me baigner, l’accès n’est pas aisé, qu’importe après ces 4h de marche cela fait du bien de se baigner et de nager dans une eau fraiche.  

Pendant le repas sur les bords de la piscine, un homme nous rejoint, il est jeune et porte un fusil. Francis me présente le propriétaire du terrain où nous sommes. Propriétaire est un terme un peu erroné, les terres appartiennent à l’état, les éleveurs se sont octroyés des hectares de terres pour faire paitre leurs zébus. Les terrains sont identifiés et reste à la famille, nul autre n’a le droit de venir avec son propre troupeau.

Le dit-propriétaire de la zone s’appelle Tirivelo, il va être notre guide cet après-midi. Il arpente ce territoire chaque jour pour surveiller ses zébus, ils sont lâchés dans la nature. Dès le début, je constate qu’il sait où il va. Il contourne une colline, remonte sur une autre, avance dans la savane, il n’y a pas de traces. Il va tout droit et nous fait rejoindre un chemin, sortie de nul part.

Il marche devant moi, je perçois qu’il scrute régulièrement sur le côté, il a ralenti son pas et se tourne sur côté puis s’arrête. Il observe au loin. Francis me demande de lui prêter ma lunette, j’ai toujours avec moi un monoculaire pour observer les oiseaux et les animaux. L’intérêt de cet oculaire unique, il est deux fois plus léger qu’une paire de jumelles.  

Il a repéré trois individus qui marchent dans sa zone, ils sont à plus d’un kilomètre, je n’arrive pas à les distinguer. Il les appelle et ne répondent pas, le vent empêche la voix de porter au loin.  Tirivelo décide de nous quitter pour aller les rejoindre. Sa crainte est d’avoir affaire à des dahalo sur son terrain.  Ils viennent repérer les lieux pour venir voler ses zébus. Il s’en va droit sur eux descendant la pente et remontant l’autre versant de la vallée. Nous poursuivons notre chemin. Pour les éleveurs comme Tirivelo, le plus grand fléau est les dahalo, ces voleurs de zébus. En journée, les zébus reconnaissent leurs propriétaires et s’enfuient face à des étrangers. Alors les dahalo repèrent les troupeaux dans la journée, les suivent de loin et la nuit ils viennent attraper les zébus. Ils ont une technique simple, ils éclairent avec une lampe les yeux du zébu et celui-ci vient vers eux. Le dahalo n’a plus qu’a l’attraper avec une corde.

Tirxel nous rattrapera ¾ heure plus tard, il a vu les personnes et a discuté avec, elles passaient pour retourner dans leur village.

Dans la région tous les propriétaires de zébus portent un fusil, pour se défendre. D’après la loi, un homme peut avoir un fusil s’il a au minimum cinq zébus. Je demande, à notre guide du jour, combien il possède de zébu, il ne me répond pas ! C’est Francis qui me dira « demander le nombre de zébu à un Bara, c’est demander à quelqu’un combien il a sur son compte en banque ! » J’en déduis qu’il a au moins cinq zébus…

Nous poursuivons notre route, les porteurs sont avec nous. Après une traversée de la rivière Mahasoa, ils partiront devant pour aller préparer le bivouac. Nous, nous allons poursuivre en montant sur une colline afin d’observer le coucher du soleil sur le fond montagneux du Makay.  

Nous rejoindrons le campement, en nous arrêtant à la case Bevoay pour saluer les habitants puis nous retrouvons nos tentes sur le bord de la rivière Bevoay. (Grand crocodile).

Ce soir il fait froid, nous sommes un peu plus en altitude, j’endosse ma doudoune pour la première fois du trek.

Il est 21h30, ce soir je me couche un peu plus tard…