Massif du Makay – jour 7 (2ième partie)
7ième jour (2ième partie)
Nous déambulons dans un couloir formé de murailles de chaque côté, elles sont hautes et la rivière sèche et très sinueuses est large de plus de quatre mètres. Les méandres ne donnent pas la possibilité d’avoir de perspective au loin. Après chaque boucle, c’est une surprise, un émerveillement de découvrir la beauté naturelle de ce canyon. L’eau s’est immiscée dans la roche pour ouvrir ces passages. La lumière est différente à chaque pas, les rayons du soleil rebondissent d’une façade à une autre, suivi de près par l’ombre. C’est une course poursuite d’éclat de lumière sur cette roche jaune.
Sur une mur un lézard accroché à la verticale, se laisse dorer au soleil, sa peau est de couleur marron clair tachetée de point blanc, sa queue fait deux fois la longueur de son corps. Il reste statique et semble ne pas être déranger par notre passage.
Après avoir marché dans ces couloirs étroits, nous débouchons sur un amas de blocs, tout un pan de la falaise s’est effondré. Francis m’indique que c’est arrivé cette année lors de la saison des pluies. Nous poursuivons, cette partie du parcours de la rivière est large, au sol encore des traces de fosa, est-il devant nous ? Je désespère d’en voir un jour.
Nous progressons, notre rythme n’est pas rapide et ne va pas s’accélérer maintenant car nous entrons dans un goulet comblé par de gros blocs, impossible de passer par-dessus, ils sont trop grand. La seule option est de passer en dessous. Pour le premier, je me retrouve à marcher comme un nouveau-né : à quatre pattes. Les suivants, je les passerai plus en rampant avec le sac devant moi. Heureusement, le sol sableux et sec rend cette démarche moins désagréable. J’avoue que certains passages m’impressionnent en me demandant si avec le peu de largeur, je vais pouvoir passer.
Plus loin, c’est un enchevêtrement d’arbres tombés avec un bout de falaise, nous devons les enjamber et traverser cette coulée de roches pour poursuivre notre chemin. Là encore, la vigilance est primordiale car les roches de ces éboulis sont instables, il faut faire attention où poser ses pieds. Le risque n’est pas de tomber en contre bas mais de se faire au mieux une entorse où se casser un membre.
L’aventure continue, il faut sauter par-dessus un précipice certes pas très profond, suffisamment pour vous vous abimer si vous chutez.
Nous quittons le canyon pour couper par le foret, régulièrement nous évitons de longue boucle en prenant un raccourcie… La forêt est clairsemée, sur des troncs j’observe des orchidées, rien à voir avec les orchidées fleuries de nos magasins. Là, elles sont accrochées au tronc de l’arbre avec de toutes petites feuilles vertes, leurs floraisons ont eu lieu il y a quelques mois, au cours de la saison des pluies.
La forêt devient plus pentue et notre tracé va nous mener à la partie où l’eau de la rivière sort de sa source et coule à l’extérieur.
A partir de maintenant, la marche va changer de rythme et d’atmosphère. Nous changeons de chaussures car nous allons marcher dans l’eau et recouvrons nos sacs d’une capuche car nous allons avoir une pluie fine qui tombe des rocher. Nous passons sous de hautes fougères qui nous caressent et déversent leurs gouttes d’eau sur nous, nous ne sommes pas encore au cœur du canyon que nous sommes déjà trempés. Le début n’est pas trop difficile, un peu glissant, je fais attention. A peine dix minutes dans ce canyon et ma chemise est déjà recouverte de mousses et de terre issue des frottements contre la roche. A un moment, Brigitte s’est demandé si elle n’était pas blessée en voyant la couleur rouge sur son vêtement ? Ce n’était que la couleur rouge de la terre ferrugineuse.
Nous poursuivons notre progression dans ce goulet, à un moment Francis nous aide à descendre de certaines roches en mettant son dos comme appui. Nous passons de rocher en rocher, en contre bas nous ne percevons pas le fond, j’envoie une pierre pour estimer la profondeur, plus de 15 à 20 mètres de profondeur. Il ne faut pas avoir le vertige. Nous escaladons puis nous glissons entre des blocs de roches. Notre guide est parti devant pour explorer le passage, cela fait plus de 15 minutes qu’il nous a abandonné, nous attendons debout impossible de s’assoir dans cette passe. Inquiet, Fabrice décide de le rejoindre et d’aller voir où il se trouve. Dans ma tête l’inquiétude gagne, il ne faudrait pas qu’il arrive quelque chose à notre guide ici. L’accès est hasardeux et je suis dans l’incapacité de me repérer dans ce canyon. Je ne suis pas non plus un adepte de canyoning ou autres spécificités de ce genre.
Ils reviennent et ont trouvé un passage étroit et difficile mais il y a un passage. Brigitte passe devant, je suis derrière. Il est 17h le jour diminue et depuis le fond du canyon la nuit arrive très vite, je vois à peine les trous de lumières du haut du canyon. Je redoute d’être dans le noir complet dans ces rochers. Nous avançons, nous sommes dans un étroit couloir où nous devons marcher de côté, avec le sac sur la tête et de l’eau jusqu’aux genoux. Plus loin, le passage est obstrué par des troncs, nous devons grimper et marcher dessus sans glisser entre deux morceaux de bois. Les parois de la roche sont visqueuses, impossible de se rattraper à la roche les mains glissent.
La nuit est totale dans ce tunnel, celui-ci semble long et interminable, plus personne ne parle, nous entendons seulement le brouhaha assourdissant de l’écoulement de l’eau. Francis ne dit rien, cela m’impressionne lui qui est si loquace habituellement. Est-il inquiet, a-t-il perdu le chemin ? Nous continuons notre avancée, rocher après rocher, passage après passage, difficultés après difficultés. Fabrice est devant avec Francis pour ouvrir la voie, Ratsiry est derrière pour nous accompagner.
Puis un trou de clarté dans la roche apparait nous arrivons à la sortie de ce long couloir pour arriver sur un espace de sable blanc parsemé de blocs de roches, la rivière coule sur le côté. Nous effectuons une pause pas très longue car il fait froid, nous sommes mouillés et il n’y a plus de soleil pour nous sécher. Francis nous annonce qu’il y a encore plus de trois heures de marches. Il est assis sur un rocher et me demande si j’ai du paracétamol, il ne sent pas bien. Je commence à comprendre son silence.
Nous repartons et dévalons doucement sur les amas de rochers de la rivière. La nuit est tombée, nous avançon prudemment, je ne peux pas avancer vite la nuit car je ne vois pas bien le sol. J’ai du mal à discerner le relief, ce qui fait que j’ai toujours une hésitation avant de poser le pied. Je sais que j’ai des prédispositions à me faire des entorses des chevilles surtout sur ce type de relief. Nous descendons, le sol devient plus sableux et moins encombré de rochers.
Encore une pause, Francis nous propose de rester ici pour la nuit si nous le souhaitons et d’allumer un feu. Je prends la décision de continuer, je ne souhaite pas dormir dehors et être le piquenique des moustiques, de plus nous sommes trempés et il ne reste que quelques carrés de chocolats comme repas. Nous repartons !
Chacun, prend sur lui pour avancer, voilà déjà 11h que nous marchons, notre pas est lourd et nous avons tous cumulés de la fatigue dans les passages éprouvants du canyon.
La rivière s’élargi, l’eau coule doucement et nous arrive aux mollets. Devant moi, Francis m’indique que dés que nous verrons les traces de pas des porteurs le campement sera à 500 mètres. Je le vois fureter sur les côtés à la recherche des traces. Nous avançons, une forêt épaisse et impénétrable longe les bords de la rivière, impossible de voir des traces où même d’apercevoir un campement.
J’affronte encore des sables mouvants où je m’enfonce jusqu’aux cuisses, ce qui me ralenti. Pour les éviter, il faut marcher en file l’un derrière l’autre seul le premier sera victime de sables mouvants les autres pourront passer tranquillement. Hélas dans notre état de fatigue nous n’avons pas le même rythme pour nous suivre de près.
Francis me confie ne plus avoir de repère sur la rivière et ne pas savoir où se trouve le bivouac. Ce n’est pas rassurant, qu’importe nos campements sont toujours en bord de rivière, je sais que Jeerika à toujours allumé des feux pour la cuisine et pour le campement. Nous les verrons, je ne pense pas que nous sommes déjà passé devant eux.
Nous continuons cette marche, plus de 13 heures que nous sommes partis, j’avance tel un automate, il faut arriver au bout. Cette journée fait appel à toute mes résistances pour aller au bout. Il y a longtemps que je n’avais pas développé un tel effort physique et mental pour résister. Dans ma tête il faut faire abstraction de tous les maux que je subis ; la faim, le mal aux jambes, le froid, la fatigue… je dois résister.
Il est 21h45, au détour d’un virage deux petits points lumineux brillent devant nous, une grande plage de sable apparait et la lueur d’un feu. Nous sommes arrivés après 12 heures de marche.
Jeerika nous accueil, avec un thé chaud et un bon repas. Autour du feu nos porteurs dorment enveloppés dans leur drap.
Nous mangeons en silence et mécaniquement, épuisés de fatigue. Ce fut une dure journée qui restera longtemps dans ma mémoire. Avant d’aller dormir, je me repose cette question : Avons-nous raison ou tort, avons-nous estimé suffisamment les difficultés que nous allions rencontrer ?
Il est 22h30, je vais dormir…